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Et maintenant, puisqu'il semble que d'autres ont les mêmes pensées à l'esprit...

15 octobre 2021

Les temps doivent changer. Mais s’ils doivent changer, peut-être que c’est aussi nous qui devrions aussi changer notre attitude?

Si nous voulons vraiment nous débarrasser des petits usurpateurs de la démocratie et de la science, cela ne va pas être en s’abandonnant à une colère futile, ou en pleurnichant sur la passivité des autres. Cela défoule peut-être, mais cela ne va pas plus loin.

«  Aide-toi, et le Ciel t’aidera  »

Ceux qui n’attendent le salut que de Dieu, du Président, du Conseil constitutionnel, du parlement, etc., restent dans l’espoir d’un secours extérieur, et se donnent l’excuse pour se laisser aller.

«  Aide-toi et le Ciel t’aidera  » avait conclu La Fontaine, à propos du conducteur de char qui s’était embourbé1.

"La mer! La mer!". Les Dix-Mille, au moment où ils aperçurent la mer Noire pour la première fois

Ou plutôt: «  la cohésion fait la force.  » La métaphore qui me paraît appropriée en ce moment remonte à l’Antiquité: l’armée grecque des Dix-Mille qui fit retraite à travers l’empire perse (au détour du IVè siècle avant notre ère), pour déboucher en mer Noire2.

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Et maintenant, puisqu’il semble que d’autres ont les mêmes pensées à l’esprit, n’attendons pas, au nom des dieux, que d’autres nous viennent en aide pour nous convoquer à des actes glorieux!

Mais prenons nous-mêmes la direction, et exhortons les autres à faire preuve de valeur. Montrez que vous êtes d’excellents capitaines, et des généraux plus accomplis que les généraux eux-mêmes.  »

Xénophon, L’Anabase 3:1:24

S’ils s’étaient desespérés sur leur sort, s’ils avaient cessé de se faire confiance entre eux et s’étaient débandés, ils n’auraient eu aucune chance d’y parvenir. Finalement, c’est parce qu’ils étaient restés soudés, et qu’ils avaient combattu bouclier contre bouclier le long du chemin, qu’ils avaient trouvé le salut et la liberté.

La plupart d’entre nous sont un peu comme ces Grecs: des êtres libres dressés ensemble contre une poignée de tyrans.

«  Le peuple  » n’est pas la masse des gens

La démocratie existe seulement (par définition) quand les citoyens assument leur pouvoir politique, collectivement, sans demander la permission à qui que ce soit.

C’est le vieux débat sur le sens à donner au «  peuple  ». Réalistiquement, le peuple n’est pas la masse des gens. Le peuple au sens politique, est uniquement formé de citoyens, des individus qui s’expriment et qui agissent.

Nos constitutions sont avancées dans ce sens qu’elles donnent à chacun le droit d’exercer ses prérogatives de citoyen. Mais ce n’est qu’une potentialité.

Un certain nombre n’exercent jamais vraiment leurs prérogatives, car ils pensent qu’en votant pour un parti ou un candidat présidentiel, ils ont fini d’exercer leur «  devoir de citoyen  ».

Ils n’ont de citoyen que le nom et ne le sont pas en pratique. C’est un choix (on ne peut pas forcer quelqu’un à être libre).

Qui est le souverain, en démocratie?

Heureusement, pour qu’une démocratie puisse commencer à fonctionner, il suffit qu’un certain nombre de citoyens prennent le pouvoir auquels ils ont droit et qu’ils l’assument. Ils sont le peuple, et plus ils forment une base nombreuse, et mieux c’est.

Mais réalistiquement, ce n’est pas les «  non-citoyens  » qui vont s’en plaindre. Au contraire, ils seront très content de leur déléguer ce pouvoir.

Et s’il y en a parmi eux qui se réveillent de leur torpeur, et réalisent soudain que les choses ne vont pas dans la direction qu’ils voudraient?… Bienvenue dans les rangs des citoyens! Ils sont devenus une parcelle du souverain.

Inversément les chefs (le gouvernement), en démocratie, ne sont jamais que des humbles serviteurs, qui n’ont reçu que le droit de servir. Ils ne restent au pouvoir que pour autant qu’ils défendent l’intérêt général; et qu’ils le font avec compétence. Si une de ces deux conditions n’est pas remplie, ils sont illégitimes et se font dégager, pour être remplacés.

C’est le principe de la succession du pouvoir, dans la démocratie.

C’est donc ensemble que les Dix-Mille avaient pu crier, à la fin: «  La mer… La mer!  »


  1. Jean de la Fontaine: «  Le charretier embourbé  » 

  2. Un corps de plus de 10‘000 mercenaires grecs au service du prince Cyrus le Jeune révolté contre son frère Artaxerxès se retrouva perdue au milieu de l’Empire perse (aujourd’hui en Irak), après une bataille qu’ils avaient gagné, mais qui fut perdue en raison de la mort inattendue de Cyrus. Désormais considérés comme des bandits, ils firent une retraite de près de 1000 kilomètres à travers un territoire montagneux et souvent hostile, pour déboucher en mer Noire près de Trébizonde. Leur chef Xénophon en raconta l’histoire, dans un ouvrage appelé L’Anabase (littéralement: la route en montée).